On poursuit les rencontres avec Mathieu Harel-Vivier, 27 ans, plasticien et photographe, qui vit et travaille à Rennes.
Parle nous de ton parcours, comment es-tu arrivé à la photographie ?
J’ai suivi un cursus complet en arts plastiques jusqu’au master à l’Université Rennes 2 avant de mener un travail de recherche en thèse au sein de l’équipe d’accueil “Arts : pratiques et poétiques dans le laboratoire l’œuvre et l’image”. J’ai écrit un mémoire de master intitulé Figure de l’absence, une pratique du sténopé, dans lequel il s’agissait de développer une étude théorique, en corrélation avec un travail artistique sur le sténopé employé dans un dispositif de mise en scène pour générer une image. Refusant la conception d’une image vécue comme preuve d’existence et souhaitant ne pas documenter le réel, j’ai choisi de m’intéresser au médium, à ses caractéristiques temporelles, à sa mise en espace. Aussi, c’est avec un regard constamment porté sur l’extérieur et via la pratique – quelques heures passées dans le labo – que je me suis intéressé à la photo.
Une autre pratique, cette fois documentaire, m’a mené vers un usage différent de la photographie. Après avoir travaillé avec Alexandre Perigot à plusieurs reprises, j’ai réalisé les visuels de ses expositions à Bialystok, Lisbonne, ou Cajarc. Depuis, j’ai régulièrement l’occasion de répondre à des missions pour photographier des expositions. J’ai par exemple été sollicité pour l’élaboration du catalogue lors de la première édition des Ateliers de Rennes – Biennale d’art contemporain.
Quels sont les photographes (ou les courants photographiques) qui te touchent, dont tu apprécies le travail ?
J’apprécie profondément le travail d’un artiste lorsque l’expérience liée à la production de l’oeuvre est envisagée comme une modification des perceptions habituelles, en somme lorsqu’il transforme notre rapport à la réalité. Sans avoir forcément les mêmes noms en tête que Garance, je suis aussi très intéressé par un travail faisant communiquer photographie et sculpture, et pense par exemple à la série Chair de Richard Artschwager et Ouverture de Jean-Marc Bustamente. Les deux œuvres présentées par Jeff Guess au Mois de la Photo à Montréal concentrent elles aussi une manière de penser la spatialisation de l’image fait un retour sur le principe à l’origine de la formation de l’image. Autour de Foto povera se sont regroupés plusieurs artistes qui possèdent une conception de l’image qui me séduit beaucoup dans la définition qu’en fait Jean-Marie Baldner, “se faire plaisir” d’autant que le terme autour duquel ils se regroupent n’est pas sans lever la polémique. Par ailleurs, plusieurs rencontres avec les œuvres de certains artistes me sont restées en mémoire, comme la pratique de dessins de Richard Fauguet (voir l’exposition Pas vu, pas pris, au Plateau-FRAC Île-de-France en 2009), de scénographie et d’appropriation de John M. Armleder, de fragmentation d’Éric Rondepierre, d’agencement chez Sam Taylor Wood, de narration chez Ulla Von Branderburg et de collage chez John Stezaker…
Aujourd’hui, quelles sont tes différentes activités ?
Je suis artiste plasticien et photographe. Je prépare en ce moment une exposition au WE Project à Bruxelles avec Etienne De France sur invitation de l’association Sans titre 2006 qui se charge du commissariat. Il s’agit de travailler les relations qu’entretiennent nos deux pratiques. En parallèle à ce travail artistique, je prépare une thèse en arts plastiques sur l’image photographique et m’intéresse aux images en perte de réalité, abstraites et fictionnelles. Je fais partie du comité de lecture de la Revue 2.0.1. (revue de recherche sur l’art du XIXe au XXIe siècle).
Autrement, je travaille au Centre Culturel Colombier à Rennes, un équipement culturel associatif conventionné par la ville de Rennes sur des missions d’intérêt général à caractère éducatif et culturel. La majorité de ses activités sont orientées vers les arts plastiques. Autour de la programmation en art contemporain se tisse un travail en direction du public de quartier, des scolaires, des étudiants, et dans ce contexte je m’occupe de la coordination des activités et suis responsable des accueils du public scolaire.
À quoi ressemble le paysage culturel rennais ? Quels sont les lieux, les galeries, les artistes ?
Au regard du nombre de structures, il me semble que le paysage culturel rennais est assez dense en termes de propositions. Si l’on s’en tient aux arts plastiques, Rennes possède de nombreux espaces d’expositions et initiatives en direction de l’art contemporain et des artistes. Le Fond Régional d’art contemporain de Bretagne attend la mise à disposition de ses nouveaux locaux dans le nord-ouest de la ville. Le Musée des beaux-arts réouvre ses portes. L’ERBA (Ecole régionale des beaux-arts) vient de changer de direction et entend promouvoir Les galeries du Cloître comme un espace d’exposition pour les artistes et les étudiants. L’Université Rennes 2 possède un département arts plastiques et un espace d’exposition de haute tenue géré par des étudiants : La galerie Art & Essai.
En plein centre ville de Rennes se trouve La criée, le centre d’art contemporain en régie municipale. La ville soutient également plusieurs espaces comme 40mcube dédié principalement à la production d’œuvres contemporaines et qui vient d’inaugurer un parc de sculptures. La galerie DMA ouverte en 2008 présente le travail de designers et d’artistes lié aux problématiques art, design et sociétés. La même année des étudiants de l’ERBA ouvrent la galerie Sortie des artistes afin de promouvoir la jeune création. La galerie Oniris représente plusieurs artistes de renommée internationale. Le Centre Culturel Colombier dispose d’un espace d’exposition qu’il met à contribution à travers des résidences d’artistes et une programmation souvent liée aux enjeux de territoires, d’espaces cartographiés, de relation entre espace public et espace privé. Le Grand Cordel est un des lieux qui participent à la vie culturelle avec un espace d’exposition généralement occupé par des jeunes artistes. Le Triangle, plateau pour la danse possède une galerie connue pour la présentation de travaux d’artistes photographes. Le Bon Accueil est également un des lieux reconnus pour son travail d’accompagnement des plasticiens vers l’exposition mais également vers leur professionnalisation via la Fédération des Réseaux et associations d’artistes plasticiens.
Chaque année fin novembre, un événement se développe autour de l’ouverture au public d’un nombre important d’ateliers et ateliers-logements distribués aux artistes par la ville de Rennes. Et Ce qui vient, en 2010, est la deuxième édition de la Biennale d’art contemporain présentée au Couvent des jacobins et dans plusieurs lieux culturels cités plus haut.
Peux-tu nous parler plus précisément de ta pratique plastique et photographique ?
Je m’intéresse en particulier aux modes d’apparition et de fabrication de l’image photographique : réalisées sans appareil, détériorées, projetées ou agencées dans l’espace, je produis des images en perte de réalité. Je porte un grand intérêt à l’économie de production de l’image avec l’utilisation de boîte sténopé en carton, l’intervention directe sur l’image, l’assemblage d’images… À la différence d’un attachement commun à la réalité tendant à nier la matérialité de l’image, le plus souvent je choisis un sujet qui vise à mettre en évidence les qualités des supports photographiques. Parfois proche d’un usage amateur de la photographie, ce travail vise la puissance fictionnelle et onirique de l’image, afin de considérer une image qui ne repose plus seulement sur une dialectique de l’enregistrement documentaire et de la composition picturale. Du Polaroid (Spectre, 2008) aux agencements en constellation de tirages de divers formats (Errance, 2009), ou encore au sténopé (Sténopé, 2005) à l’installation photographique sur table lumineuse (Spectres, 2009), je suis attentif au dialogue qui s’instaure entre la spatialisation de l’image et sa représentation.
Comment vois-tu ton avenir professionnel ? Dans quelle direction souhaites-tu aller ?
Je viens d’entrer dans un atelier-logement de la ville au mois de janvier, aussi je vais pouvoir me consacrer davantage à mon travail artistique à ma thèse et réfléchir autrement à la mise en espace de mon travail. Pourquoi pas penser l’image en volume, travailler avec un artiste qui pense les choses de cette manière…
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Merci pour cet article o combien interessant
amicalement
Gilles