Les 17, 18 et 19 octobre derniers, le colloque “Les Mondes de la médiation culturelle” se tenait à Paris 3, à l’initiative du GDRI Opus 2 CNRS. Les 21 et 22 octobre avaient lieu les Rencontres numériques autour de la médiation, organisées par le ministère de la culture. Ayant assisté aux deux (mais pas dans leur intégralité), je vous propose un bref aperçu de ces deux conférences, accompagnées de quelques réflexions que j’en ai tirées.
Les Mondes : le point sur la médiation en sciences humaines et sociales
Il y a quelques mois, Noémie Couillard et moi avons soumis une proposition de communication autour des formes émergentes de médiation associant les publics, qui a été acceptée. Alors que l’assistance et les intervenants étaient majoritairement composés de chercheur-se-s et des étudiant-e-s en sciences humaines et sociales, j’étais un des rares professionnels à intervenir.
À noter : Noémie et moi étions les seuls (ou presque) à livetweeter, preuve que cette pratique ne s’est pas encore répandu dans toutes les sphères de la recherche. Et un livetweet bien pauvre, en raison d’une mauvaise couverture 3G et de l’absence d’un réseau wifi.
Comme souvent, les matinées étaient occupées par des séances plénières en amphi, interventions de grands noms de la médiation tels que Claire Merleau-Ponty ou Élisabeth Caillet, pour ne citer qu’elles. Les après-midi étaient consacrées à des présentations courtes assemblées autour de différentes thématiques, parmi lesquelles “Médiations et publics éloignés” ou “Médiations muséales”. Vendredi après-midi, la séance à laquelle Noémie et moi participions s’intitulait “Médiation numériques et nouveaux dispositifs”. En quelques minutes, nous avons présenté quelques initiatives – certaines issues des communautés de visiteurs et d’autres, d’institutions – qui tendent vers des formes de médiation participative. Cette présentation a été l’occasion pour moi d’aborder la question des jeunes publics sur les réseaux sociaux, j’y reviendrai prochainement.
Le matin du vendredi 18, Claire Merleau-Ponty a conclu son intervention en déclarant : “Aujourd’hui, la médiation est l’égal de la conservation”. Si cette phrase était clairement un message d’espoir et de motivation adressée à communauté professionnelle qui semble toujours souffrir de mépris au sein de bien des institutions, je ne peux m’empêcher de me demander s’il ne s’agissait pas également d’un acte d’auto-persuasion devant un public conquis, dans lesquels les conservateurs, s’il y en avait, représentaient une minorité déjà elle aussi acquise à la cause.
Quoiqu’il en soit, assister à ce colloque m’a permis de confirmer une intuition sur laquelle je fonde une grande part de mon travail : les outils numériques, et notamment les réseaux sociaux, peuvent devenir des supports de médiation. À travers les communication aux quelles j’ai assistées et les échanges avec d’autres participants, j’ai pu constater à quel point certaines des interactions qui naissent sur Twitter, par exemple, se rapprochent d’actions de médiation présentielle, dont le seul support ne suffit pas à conditionner un changement radical dans la définition de la médiation.
Les Rencontres : le numérique continue à se développer dans la culture
Organisées par le Ministère de la Culture et de la Communication depuis 2009, les Rencontres numériques permettent aux professionnels de la culture de partager leurs bonnes pratiques, mais aussi de découvrir des exemples de projets développés dans tous les secteurs : spectacle vivant, musée, cinéma, archives et bibliothèques, etc. Vous pouvez retrouver les tweets échangés avec le mot-dièse #RencNum13.
Lors des deux conférences, j’ai eu l’occasion d’assister à des présentations autour du dispositif “Léon Vivien, 1914“, une page Facebook portée par le Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. Pour les “Mondes”, ce sont deux chercheurs, Céline Schall et Jean-Christophe Villatte, qui ont présenté les résultats de leur étude sur le sujet. Lors des Rencontres, c’est Michel Rouger, directeur du musée, et Lyse Hautecoeur, chargée de la communication, qui sont revenus sur l’historique du projet. Tandis que les agents du musée reconnaissaient un certain opportunisme autour d’un dispositif développé grâce au mécénat de compétence de l’agence de publicité DDB, les chercheurs se sont focalisés sur les publications de la page, cherchant à établir si elles constituaient une médiation innovante. Je regrette qu’ils aient choisi de se focaliser sur les publications, listant les contenus éditoriaux et mettant de côté la viralité en renonçant à étudier les partages — à moins qu’il s’agisse d’un choix en raison de la courte durée des présentations.
Pendant les Rencontres, une autre intervention qui a retenu mon attention est la présentation de la stratégie et de la méthodologie sur les réseaux sociaux de Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF, par deux des membres de son équipe, Claire Chemel et Louis Jaubertie. Après une présentation des plateformes sur lesquelles le service est présent, ils ont détaillé leur fonctionnement interne et sont revenus sur les outils utilisés, parmi lesquels Hootsuite et LaterBro pour la programmation des publications, Diigo pour la veille et le raccourcisseur d’URL Bitly. Un travail en équipe, sans hiérarchie entre les six membres, qui sont à parité de genre et à parité entre deux directions¹. Avec cette présentation, Gallica montre qu’il est possible pour une institution aussi importante que la BnF d’instaurer un fonctionnement dynamique, avec un circuit de validation souple reposant sur la confiance de la direction. Plus largement, elle montre qu’avec patience et bonne volonté, il est possible concilier numérique et institutions culturelles.
Dernier point que je retiendrai de ces Rencontres : les professionnels du numérique dans la culture se mobilisent, notamment à travers deux initiatives, #CMmin et Muzeonum. #CMmin rassemble les community managers des institutions placées sous la tutelle du Ministère de la Culture. Les Rencontres ont été l’occasion d’ouvrir ce groupe aux CM d’autres établissements, et de présenter quelques exemples des formes que peut prendre ce poste dans des structures diverses : une association pour la Cinémathèque française, un CCSTI pour La Casemate, un nouveau musée national pour le MuCEM ou encore un théâtre national pour le Théâtre national de Strasbourg. Deux dispositifs ont brièvement été évoqués : Ask A Curator par Claire Seguret du musée de Cluny et #jourdefermeture par votre humble serviteur. Une enquête de grand ampleur a été annoncée, conduite par Noémie Couillard dans le cadre de sa recherche et soutenue par le MCC, qui permettra de dessiner un portrait plus précis du community management dans les institutions culturelles en France.
Enfin, Muzeonum, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici, est une communauté de professionnels du numérique dans la culture, fondée en 2011 par Omer Pesquer. Pour la première fois dans un contexte institutionnel, cette initiative portée par une communauté active et mobilisée, a bénéficié d’une visibilité conséquente. La prise de conscience de l’existence de réseaux connexes à celui des #museogeeks, avec les #theatrogeeks, les #scientigeeks et les #bibliogeeks est également un signe encourageant pour le développement d’une dynamique plus large, non limitée aux musées.
Pour conclure
Ces deux conférences, bien qu’adressées à des publics différents, m’ont permis de constater la vitalité des initiatives numériques dans bien des établissements, autant que l’intérêt de la recherche pour ces territoires relativement nouveaux. L’existence d‘un questionnement entourant une “médiation numérique”, de ses propriétés et de ses différences avec les dispositifs classiques émerge également, et l’idée même de cette médiation n’est plus un tabou. J’y reviendrai prochainement.
¹ Je n’ai pas retrouvé lesquelles dans le livetweet et dans mes notes.